
« La forêt ça n’existe pas » de la cie Portés disparus (c) M. Dochtermann
Toto et Bradi – maintenant appelé La forêt ça n’existe pas – est une petite forme, par la durée (15 minutes) comme par la taille (une simple table). Mais le spectacle a tout ce qu’il faut pour prendre une grande place dans les cœurs et les esprits: extrêmement bien écrit, à la fois drôle, touchant, dynamique, et finalement bien plus profond qu’il n’en avait l’air au premier abord. Certains artistes, pour leurs coups d’essai, veulent des coups de maître: c’est exactement ce qui nous est proposé ici!
C’est pour moi si :
- j’aime l’humour noir, très noir, servi avec un doigt de philosophie
- j’ai envie de tomber amoureux des personnages et des marionnettes
- je me demande souvent ce que je fais là, et je veux bien savoir ce qu’en pensent Toto et Bradi
Les élèves sortant·es de l’ESNAM ont souvent déjà plein de bonnes idées, et on leur a donné les moyens de les réaliser. On est souvent gagnant à jeter un œil à leur travail… et, en l’occurrence, il faut avouer que l’on est pas déçu! Pierre Dupont et Kristina Dementeva (compagnie Portés disparus) sont peut-être jeunes, mais ils sont bourré·es de talent et d’inspiration: de futurs grand·es ? A suivre, en tous cas.
Leur spectacle Toto et Bradi / La forêt ça n’existe pas (présenté pendant le FMTM 2017 au Bateau des Fous) met en scène deux personnages éponymes, deux animaux complices qui nous arrivent enfermés dans une boîte, en provenance d’on ne sait où – et d’ailleurs, c’est une question qui les préoccupe beaucoup, de ne plus savoir d’où ils viennent. Ils vont donc explorer leur environnement, deviser sur le sens de leur présence là, ici et maintenant, tenter de partie en cavale, pour finir par tourner en rond. Ils se lancent des défis, jouent à des jeux idiots pour passer le temps, se font la tête. C’est une jolie petite relation de couple qui se met en place, avec humour et tendresse. En fait, un parfait duo de clowns, parfaitement interprété par deux marionnettistes qui ont absolument compris le ton et le timing nécessaires à ce genre d’humour.
Du fait que l’un est un singe et l’autre un paresseux, et qu’ils débarquent entassés dans une boîte en bois, on a la vague intuition qu’il s’agit d’animaux capturés dans une forêt lointaine pour être braconnés. Mais c’est une intuition qui pourrait tout aussi bien se démentir lorsque, à la fin des 15 (trop courtes) minutes de spectacle, les deux comparses regagnent finalement leur boîte, et que le spectacle prend soudain un tout autre sens…
Le spectacle est jeune encore, mais l’écriture est redoutablement efficace. La manipulation des marionnettes sur table n’est pas loin d’être irréprochable, à la fois typée, fluide et rythmée. Les voix des deux personnages sont brillamment assumées, et les dialogues fusent avec efficacité. L’humour fait mouche, y compris lorsque les marionnettes jouent – un peu – avec la salle.
Evidemment, pour l’instant la création lumière et sonore est un peu frustre, et le spectacle mériterait de prend encore un peu plus d’étoffe. Mais c’est déjà un petit bijou tel que c’est: drôle, malin, émouvant, avec un vrai talent d’écriture. 15 minutes de bonheur concentré, à voir à la première occasion, sans hésitation!
P.S. : dans sa forme définitive, La forêt ça n’existe pas fait partie du triptyque La petite galerie du déclin (notre critique ici).
Avec:
Pierre Dupont
Kristina Dementeva
Regard exterieur:
Lou Simon
et l’aide précieuse de
Faustine Lancel, Antoine Herniotte, Zoé Grossot, Christophe Marrand
Inspiration:
Tom Stoppard
Régie technique du Bateau:
Mathieu
Visuels:
(c) Mathieu Dochtermann
Initialement publié sur Tout La Culture